Européennes 2009, comment interpréter ces résultats électoraux ?

Publié le par Stéphane Baron

Tout d'abord, plusieurs biais à éviter :

 

- la participation, inférieure à 40% ne permet pas de véritablement statuer sur les rapports de force ni en termes de bloc gauche-droite, ni en termes de rapports de force à l'intérieur de la gauche. Plus de 70% des électeurs de 18 à 45 ans ne se sont pas rendus aux urnes. Tandis que plus de 60% des plus de 65 ans sont allé voter (présidentielle 2007 : 2/3 des plus de 65 ans ont voté Sarkozy ...).

 

- il faut aussi se méfier de toute interprétation locale, tout juste peut-on noter ça et là que dans certains secteurs tel ou tel parti est vraiment enraciné. Mais cela ne reflète absolument pas l'attachement à tel maire ou tel conseiller général. En terme d'interprétation locale, on peut éventuellement regarder les scores des partis. Ainsi chez nous, l'UMP n'a fait que 26% tandis que les verts faisaient 17%, nous mêmes 16% et le front de gauche presque 7%. Par rapport à l'Île-de-France, nous sommes donc à priori un peu plus forts et l'UMP un peu plus faible.

 

- ensuite, il faut se souvenir de "l'histoire des élections européennes" et de leurs singularités : dans les années 80 l'UDF était un parti pro-européen très fort, de même que les votes souverainistes avaient été très élevés dans les années 90. Et 2004 avait incarné un très puissant vote sanction contre le gouvernement Raffarin avec une faible dimension européenne. Toutes ces particularités ne se sont jamais reproduites telles quelles dans votes nationaux ! De même, l’effondrement de certains partis n’a pas empêché de spectaculaires redressements par la suite. En juin 1999, la droite emmenée par Sarkozy totalisait 12,8% des voix... derrière les listes PS et Pasqua-Villiers. Trois ans plus tard la droite remportait les législatives et les présidentielles. En 1994, le PS s’effondrait à 14,5% des voix, loin derrière les 25% de Baudis et tout juste devant les 12% de Villiers et l’équivalent pour Tapie. Trois ans plus tard, Jospin devenait premier ministre.

 

Enfin, il s'agissait d'un scrutin dans un cadre plus large que le national et le résultat est européen : la gauche est historiquement faible en Europe sauf en Grêce et au Danemark, cette faiblesse socialiste n'est pas franco-française. Il ressort que les enjeux locaux ne semblent nullement avoir influé sur ce scrutin. Merci et pardon à tous les militant(e)s qui se sont mobilisés sur le terrain : toute cette bonne volonté, toute cette énergie à distribuer, à boiter, à coller n'y pouvaient pas grand chose, il ne faut pas vous sentir blessés et frustrés pour tout cela. L'UMP et parfois même les Verts, qui n'ont pas fais campagne sur le terrain chez nous à Chelles, ont fait de bons scores à contrario des socialistes ainsi que du front de gauche qui se sont pourtant battus farouchement. Cette élection n'appartenait définitivement pas aux militants et élus locaux. On peut toutefois regretter l'absence de certains militants et surtout de certains élus dans cette campagne, notamment pour la distribution et le boitage.

 

Et de là ce constat cruel pour l'appareil socialiste : quand une élection est locale et est sous notre entière responsabilité, ça se passe bien, très bien-même ! Quand une élection est nationale, nous sommes loin d'être sûrs, depuis 2002, d'être en tête et même d'être au second tour ... 2002 ne peut plus apparaître comme un accident !

 

Erreurs sur le fond


Sur le fond, nous nous sommes trompés de campagne :

 

=> Une faible mobilisation :

L'UMP a facilement mobilisé son électorat le plus fidèle, qui votera à droite en toutes circonstances. Le bourgeois à tendance réac semble tout à fait satisfait de son petit président bruyant et nerveux, le bourgeois aime bien quand le président dit du mal des fonctionnaires, quand le président dit qu'il va passer les banlieues au Kärcher, quand il négocie avec les Turques mais que c'est pour de faux, ou quand le président va en vacances sur le yacht de ses copains pour qui il fait passer des lois en contrepartie. Ces gens aiment ça, ils sont prêts à se déplacer le dimanche pour voter pour leur poulain (ou une chèvre aux couleurs UMP), alors que l'électorat de gauche, sans doute plus exigeant, qui attend vainement des positions claires et surtout des propositions d'avenir, reste chez lui faute d'être motivé ou bien alors il vote pour se faire plaisir pour une liste plus glamour ou plus tendance.

 

=> Absence de clarté sur nos positions 

A force de vouloir plaire a tous les électeurs possibles, à ménager les differents courants, à chercher a draguer au centre comme à l'extrême gauche, on se retrouve avec un programme vide, tiède, sans prise de position... on se contente donc de courrir derriere l UMP, en jouant la surenchère ... au lieu de revenir a ses propres valeurs, la gauche critique les mesures du gouvernement.. pourquoi la gauche n'est-elle pas plus fière d'assumer ses valeurs, pourquoi ne l'entend t-on pas sur les sans papiers, les frontières, le logement, les impôts, le salaire minimum et maximum, la décroissance, l'agriculture paysanne, l'écologie forte ? Ou bien uniquement pour critiquer ce que fait le gouvernement ? Pourquoi avoir honte de ce que nous devrions défendre ? Pour ramasser quelques électeurs à droite? Au centre ??? Pour plaire à un ou deux lieutenants? Pourquoi parler sans cesse de Sarkozy, pourquoi le dénoncer lui, personnellement, sans cesse ? Si on parlait d autre chose ? De la suite ? D'un projet? Comme l'a fait Cohn-Bendit en parlant avec justesse de politique sociale, de justice forte sans impunité et d'écologie-agriculture-pêche enfin sorti d un productivime catastrophique.

 

=> Faiblesse de notre socle électoral vis à vis de la thématique européenne :

- Il faut souligner la volatilité des électeurs plutôt bien insérés socialement et qui avaient plutôt voté "oui" à la constitution (et sans doute assez largement pour Bayrou à la présidentielle) : à l’inverse de l’UMP, notre socle électoral paraît très faible et se réduit de plus en plus si on ne réagit pas très fortement. Parmi les gens bien insérés, il y a les "bobos" de gauche, urbains, progressistes et qui ont massivement voté Europe-Ecologie, il y a les bourgeois réac déja évoqués plus haut et massivement de droite fidèle, et une faible frange qui reste fidèle aux socialistes tout en étant un peu moins enthousiaste vis à vis de l'Europe. Cela est symptômatique dans les grandes villes : Europe-Écologie est deuxième dans les grandes villes de France: Bordeaux (22,34%), Lyon (23,7%), Paris (27,46%), Marseille (16,3%), Toulouse (22,05%), Nice (15,83%)... Exceptions pour Dijon (19,19% pour EE contre 19,99% pour le PS) et Strasbourg (21% contre 23,36% au PS). Cela est également valable dans les principales communes de Seine et Marne et notamment dans le "croissant" urbain de l'ouest seine et marnais dont notre commune fait partie. Au global, pour le bilan de la gauche avec l'effondrement du Modem (ce qui clarifie les choses), ce n'est pas très inquiétant, sauf à dire que ça changera probablement les comportements de certains partenaires dans les négociations entre partis. Pourquoi pas après tout : si l'on veut que la gauche gagne, sans doute faudra t'il remiser quelques talents et ambitions individuelles pour plus tard et faire plus de place à nos partenaires, mais sans oublier que cet électorat est loin d'être captif. Rappelons par exemple qu'à Paris les Verts triomphent (27,5%) après avoir subi une déroute aux municipales en 2008 (6,8%) et que le PS est aujourd’hui déconfit à Lyon après avoir trusté l’élection municipale en 2008.

 

- A l'inverse, et cela me semble beaucoup plus inquiétant, les électeurs mal ou peu insérés socialement se sont massivement abstenus : ce sont eux qui sont principalement victimes de la crise et de la politique gouvernementale. Contrairement à ses espérances, la gauche de la gauche n'a pas su les mobiliser non plus, ni le Front de Gauche à 6,3% (les communistes seuls avait fait 5,9% en 2004), et encore moins le NPA à 4%. Une très grande partie d'entre eux avaient voté "non" à la constitution. S'ils ne votent pas à droite, ou pour une frange assez réduite de Lepénistes et éventuellement de Villieristes, la gauche et en particulier le PS, ne les a toujours pas récupéré non plus ! Au vu de la ratification du mini-traité sur la constitution, certains sympathisants ne distinguent plus la différence entre le PS et l'UMP sur la question européenne ... Pour finir sur ce point, les extrêmes droite n’avancent pas non plus : le FN baisse encore à 6,5% contre 9,8% en 2004. Et Libertas recueille 4,8% des voix contre 8,4% en 2004 (MPF+CPNT).

 

 

Erreurs sur la forme

 

La liste :

On l'a vu au dessus, notre électorat nous appartient de moins en moins, si tant est qu'il nous est "appartenu" : il vagabonde au gré des scrutins, au gré des modes, au gré du côté people des candidats : c'est l'heure du marketing politique. Il ne s'agit plus d'être contre ou pour, si on veut contrecarrer les projets de la droite et être en responsabilités, nous sommes obligés de nous y adapter mais sans paraître sans consistance ou sans cohérence politique ! Là est toute la difficulté pour nous : avoir un leader charismatique et consistant politiquement, et accompagné d'un véritable projet de société cohérent prenant en compte les aspirations des électeurs de gauche. Nous n'avons à l'heure actuelle aucun de ces deux leviers essentiels, et nous avons tout à batir.

 

=> on ne peut donc plus se permettre d'établir des tickets résultant de nos arrangements de congrès pour faire plaisir aux uns ou aux autres, on ne peut plus se permettre de placer des inconnu(e)s que même les militants avertis ne connaissent pas. De même, il faut avoir des candidats plus représentatifs de notre cible électoral et pas seulement de la frange "bobo" bien insérée.

 

Les bulletins de vote :

Il est impensable de constater que jusqu'aux bulletins de vote notre communication a été fade, transparente, insipide, dénuée de sens ! Dans les bureaux de vote nos électeurs cherchaient nos bulletins alors que tous les autres grands partis mettaient en avant leurs couleurs ! Certains ont même cru qu'on se cachait ...

 

Le mode de campagne, national et local :

Non seulement nous avons fais erreur en réclamant une sanction contre le gouvernement mais en plus localement la campagne a été faiblement menée : les leaders de la liste sont venus de façon éparse en Seine-et-Marne, n'y ont passé qu'une poignée d'heures et certaines visites d'entreprises étaient par exemple minutés avec un chrono pour ne pas dépasser 1h ! Ce n'est plus ainsi que l'on doit faire campagne, pas de façon individualiste, pas de façon ultra-minutée comme les touristes japonais. Il faut en amont faire du buzz sur ces visites et ensuite que les candidats passent le plus de temps possible en contact avec nos populations quitte à revenir plusieurs fois, on avait le temps durant les mois d'hiver où rien n'a été fait. De même, dans les débats politiques, ce sont les leaders de nos listes qui auraient du débattre.

 

 

Se battre sur nos valeurs en les projetant vers l'avenir, et les inscrire dans la mémoire collective :

Demandez autour de vous, que retient-on dans cette campagne de nos propositions, de nos slogans, de notre projet ? Nous n'avons pas percuté, nous n'avons pas été pro-actifs, nous nous sommes de plus en plus perçus comme le parti de l'immobilisme, presque un parti de conservateurs !

 

 

La cacophonie :

Si nos têtes de listes auraient du être plus connues et charismatiques, et si elles auraient du débattre davantage dans les médias, que dire des interventions des dirigeants du parti qui non seulement n'étaient pas candidats mais qui en plus livraient leurs interprétations personnelles à qui voulait l'entendre ?

 

=> Cette cacophonie a noyé un message faible que l'on n'avait pas envoyé à la bonne cible électorale.

 

En conclusion et en espérant que le parti se ressaisisse vivement sur la méthode et l'idéologie et s'en donne les moyens dans les plus brefs délais :

Pour finir sur une note d'espoir, 3 tendances positives sont à ressortir de ces Européennes 2009 :

 

- Les extrêmes n'ont pas eu de bons scores et le Front de Gauche avec qui on pourra et devra travailler est devant le NPA. La gauche constructive réunit 40% des suffrages et la droite favorable au gouvernement moins de 35%.

 

- Le Modem, qui a cumulé bien des erreurs, s'est fait syphonner par les Verts et un peu par l'UMP. Cela clarifie bien des choses, et devrait faciliter aussi l'avenir de la gauche. Mieux avoir desVerts forts car de gauche depuis toujours qu'un Modem fort au positionnement toujours complexe et énigmatique.

 

- La « gauche plurielle » réalise des scores urbains nettement supérieurs à la droite de gouvernement, dans un rapport 45-25. Bien que généralement en tête, l’UMP est extrêmement isolée. S’il est difficile de situer le Modem, cet électorat ne s’additionne pas avec l’UMP ; et l’extrême droite est affaiblie et divisée. C'est le cas à Chelles où l'UMP fait de plus un résultat faible au vu de sa moyenne en Île-de-France.

 

Depuis des années, on ne cesse de dire qu'il faut se remettre au travail, cela devient en effet urgent et il faut cesser de le dire : il faut le faire d'urgence, de manière ouverte, participative, et moderne !

 

Amitiés socialistes,

Stéphane Baron

Publié dans L'Europe

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C
Analyse un peu trop liste à la prévert, ce qui a pour effet de ne pas faire ressortir ce qui est d'abord déterminant à corriger pour l'avenir . <br /> Je ne crois absolument pas à l'adhésion majoritaire des français à la construction de cette europe là . La forte abstention dans les classes populaires démontre le rejet de cette europe antisociale , celles ci ne croyant plus depuis ,longtemps ( 2002) à la promesse du PS d'une europe sociale. On ne peut à la fois dire qu'on défend les services publics et qu'on est pour la construction de l'europe sociale, tout en continuant de voter pour les directives de libéralisation donc ne plus s'opposer à l'ouverture à la concurrence des services publics , alors que l'europe massacre les services publics à la française , et les cocuhes populaires en sont les premières victimes . A-t-on entendu un leader du PS s'interroger dans les medias sur le lien qu'il pourrait y avoir entre la mondialisation libérale et les accidents aériens récents : et si le libéralisme dont le seul déterminant est la recherche d'un profit et d'une rentabilité maximum , au détriment notamment de la sécurité des personnes , était la cause de ces accidents ? Que le PS ose mettre ce débat sur la table et nous verrons bien la réaction des classes populaires...<br /> Quant au vote europe ecologie , c'est à la fois la réaction à la pression insupportable et généralisée sur le citoyen de sa responsabilité sur la destruction programmée de la planète ( il faut donc voter écolo pour se déculpabiliser , le vote écolo comme nouvelle indulgence des temps modernes ), une liste bien faite du point de vue marketing ( le rebelle bretteur d'estrade Cohn bendit, la dame anti corruption,josé bové pour la bonne bouffe sans ogm), et une liste anti système , anti partis , ni droite ni gauche ( de ce poitn de vue stratégie proche de ce qui avait un temps fait le succés du FN) . <br /> Etre d'abord le parti de la justice sociale , c'est ce que devrait être le PS . Je ne crois pas que ce soit possible dorénavant. <br /> Trop tard
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